Chaque être humain a son propre rythme circadien, qui peut être réparti en phases de sommeil et d'éveil et qui s'adapte à l'alternance jour-nuit. La chronobiologie s'intéresse à ces rythmes biologiques, que l'on retrouve également dans les organes : chaque organe est particulièrement actif à un moment précis de la journée. La lumière artificielle, qu'elle soit électrique ou provenant d'écrans, influence fortement les rythmes, en particulier le rythme du sommeil. Cela favorise l'apparition d'insomnie, de fatigue chronique, mais aussi de surpoids et d'obésité. Le travail par tranches horaires a également un impact négatif sur la santé. En 2007, il a même été classé comme potentiellement cancérigène par le Centre international de recherche sur le cancer [1].
On sait depuis longtemps que pour une alimentation saine, ce n'est pas seulement ce que l'on mange qui compte, mais aussi quand on le mange. Ainsi, des repas irréguliers, mais aussi des repas pris systématiquement tardivement, peuvent augmenter le risque de surpoids et d'obésité. Ce sujet est abordé dans le domaine de recherche de la « chrono-nutrition », qui étudie comment une alimentation irrégulière, le nombre de repas et l'heure à laquelle ils sont pris influencent le comportement alimentaire et donc la santé. De nombreux processus métaboliques ont lieu pendant le sommeil. Puisque ces activités réparatrices sont essentielles à la santé, l'intérêt scientifique pour le lien entre les habitudes de sommeil et d'alimentation s'est considérablement accru ces dernières années. La publication de Pot (2018) présente une synthèse de nombreuses études sur ce sujet [1]. Voici quelques conclusions importantes.
Interaction entre sommeil et alimentation
Les personnes qui dorment moins longtemps (5 à 6 heures par jour contre 7 à 8 heures) ont souvent une alimentation moins équilibrée, ce qui se traduit par un apport moindre en fibres et en protéines. Cela s'explique probablement par le fait que lorsqu'on est fatigué, on a davantage tendance à se tourner vers des plats préparés ou à manger sans réfléchir ce qui est à portée de main. Une durée de sommeil normale est en revanche associée à un apport plus élevé en certains nutriments tels que la vitamine C, les fibres alimentaires et le fer. De plus, il apparaît que le manque de sommeil peut entraîner une augmentation de l'apport énergétique pouvant atteindre 400 calories par jour, notamment en raison d'une consommation accrue d'aliments riches en graisses. À l'inverse, l'alimentation a également une influence sur le sommeil : des repas irréguliers sont associés à une moins bonne qualité de sommeil. La qualité du sommeil souffre également lorsque l'on consomme beaucoup de sucreries et de pâtes, mais peu de légumes et de poisson.
Influence de l'heure des repas sur l'alimentation et le sommeil
À ce jour, aucune preuve irréfutable ne vient étayer l'affirmation selon laquelle le petit-déjeuner serait le repas le plus important de la journée. En revanche, le consensus est plus clair en ce qui concerne les repas tardifs : les personnes qui mangent tard le soir et en trop grande quantité présentent un risque accru de surpoids, de syndrome métabolique et de maladies cardiovasculaires. Cela inclut également le fait de grignoter devant la télévision. Ce risque est particulièrement élevé lorsque plus de 25 % des calories quotidiennes sont consommées après le dîner, un comportement également appelé « syndrome de l'alimentation nocturne ».
Discussion
Ce travail de synthèse montre l'interaction complexe entre le sommeil, l'alimentation et la santé. Pendant le sommeil, des processus de reconstruction ont lieu : le métabolisme est actif, des substances sont transformées et reconstruites. Pendant cette période, le métabolisme peut fonctionner « au repos ». La phase d'éveil, en revanche, est caractérisée par des processus de conscience et de perception qui nécessitent de l'énergie et sont donc plutôt épuisants. Si l'on passe trop de temps devant un écran la nuit et que l'on dort trop peu, les forces de l'organisme ne peuvent pas agir de manière suffisamment constructive et bénéfique pour la santé. Or, c'est précisément cela qui constitue la base de la phase d'éveil. Ce n'est pas pour rien qu'on dit « Dors bien pour être en bonne santé ! » ou « Le sommeil est le meilleur remède ». Cela montre à quel point le sommeil et l'équilibre entre les phases d'éveil et de sommeil sont essentiels. Beaucoup de gens savent ce que c'est que de perdre cet équilibre : le stress, le travail par tranches horaires ou des habitudes néfastes comme regarder la télévision tard le soir font que l'on dort trop peu. Le manque de sommeil entraîne alors un manque d'énergie pour préparer des repas frais et équilibrés. Au lieu de cela, on enfourne une pizza précuite ou on mange rapidement une barre chocolatée pour compenser la fatigue. Ceux qui essaient en plus de perdre du poids sont encore plus stressés en raison de la libération accrue de cortisol, l'hormone du stress, ce qui rend la tâche presque impossible.
Avec un sommeil suffisant, il est cependant plus facile de perdre du poids, car le métabolisme a eu suffisamment de temps pour être actif : c'est par exemple le cas de la leptine, l'hormone responsable de la sensation de satiété, qui est alors produite en quantité suffisante. Dans l'ensemble, il est également plus facile de manger plus sainement. On a suffisamment d'énergie pour cuisiner de manière plus équilibrée, préparer des aliments frais et manger de manière plus régulière. Un rythme alimentaire régulier permet à l'organisme d'être stimulé de manière régulière et d'être alimenté en énergie et en substances vitales. Enfin, des repas réguliers s'accompagnent généralement d'un emploi du temps plus structuré, ce qui signifie que l'on se couche également à des heures régulières. Avoir des habitudes alimentaires et un rythme de sommeil réguliers permet d'organiser son quotidien, ce qui est la base du bien-être. Lorsque ces rythmes sont harmonieux, il est possible d'être en bonne santé.
Bibliographie
[1] Pot GK (2018) : « Sleep and dietary habits in the urban environment: the role of chrono-nutrition » Proc Nutr Soc. 77(3):189-198. doi: 10.1017/S0029665117003974.