L'alimentation est un élément clé qui a un impact sur la santé, le changement climatique, la biodiversité et d'autres domaines écologiques. Diverses approches, telles que le régime alimentaire Planetary Health Diet, montrent qu'une alimentation à base de végétaux issue d'une production alimentaire écologique a une influence positive sur le développement durable. En outre, les aliments biologiques et biodynamiques sont considérés comme plus sains en raison de leur teneur plus élevée en composants bénéfiques pour la santé, tels que les substances végétales secondaires, tout en étant respectueux du climat et de l’environnement que les aliments conventionnels. Cependant, le prix plus élevé des produits biologiques et biodynamiques constitue un obstacle à l'achat pour de nombreuses personnes, en particulier depuis la hausse de l'inflation ces dernières années. En Autriche, par exemple, 12 % de la population est déjà touchée par une pauvreté alimentaire modérée à grave. Une étude récente menée en Autriche montre qu'il est possible de manger bio sans frais supplémentaires, à condition de s'alimenter plus sainement, d'être plus attentif à la manière dont on consomme les aliments et d'éviter le gaspillage [1].
Réalisation
L'Institut de recherche en agriculture biologique (FiBL) a étudié, à la demande de l'organisation de protection de l'environnement WWF Autriche, l'impact d'une alimentation plus saine et plus durable sur les coûts alimentaires, l'impact climatique et la santé par rapport aux habitudes de consommation actuelles. L'analyse a porté sur différents modes alimentaires tels que l'omnivorisme1 comme situation réelle, c'est-à-dire ce qui est effectivement consommé, et l'omnivorisme comme situation idéale selon les recommandations nutritionnelles, le végétarisme et le véganisme.
Pour leurs calculs, les chercheurs se sont appuyés sur des données issues des statistiques de consommation autrichiennes et sur les recommandations nutritionnelles nationales actuelles. Ils ont simulé les achats alimentaires hebdomadaires ou mensuels types d'une famille de quatre personnes. Les prix actuels des 75 produits alimentaires les plus importants ont servi de base. Chaque panier virtuel créé comprenait une variante conventionnelle et une variante biologique. Afin de déterminer l'impact climatique, les quantités et les valeurs caloriques correspondantes ont été prises en compte.
Parallèlement, un indice appelé « NGKL » [ce qui correspondrait en français à DSCA] a été développé afin de relier entre eux les aspects Durabilité, Santé, Climat et Accessibilité financière d'un mode d'alimentation. Plus la valeur est élevée, meilleure est l'évaluation.
Résultats
En raison de l'inflation, le coût d'un panier conventionnel a augmenté de plus de 30 %, contre seulement 19 % pour les aliments biologiques au cours de la même période de référence.
Les dépenses alimentaires peuvent être réduites de manière significative, jusqu'à 21 %, rien qu'en diminuant la consommation de viande. Cela représente une économie de 29 € par semaine pour une famille de quatre personnes. Une alimentation végétarienne ou végétalienne permet d'économiser respectivement 43 € et 52 € par semaine (soit une réduction des coûts de 31 % et 37 %).
En réduisant simultanément le gaspillage alimentaire, il est possible de s'approvisionner entièrement en produits biologiques sans frais supplémentaires, même si les prix des produits sont plus élevés. Cela signifie qu'une famille moyenne de quatre personnes peut se nourrir entièrement avec des aliments biologiques si elle adopte une alimentation plus saine et plus respectueuse de l'environnement et gaspille moins de nourriture.
Cela a également un effet positif sur les émissions de CO₂ : une consommation réduite de viande et des aliments de qualité biologique réduisent les émissions, qui passent de 1 653 kg par personne et par an pour une alimentation mixte conventionnelle à 761 kg (-54 %). Une alimentation bio-végétarienne et bio-végétalienne peut contribuer à réduire les émissions de CO2à 724 kg (-56 %) voire 470 kg (-72 %). Le simple fait d'adapter son alimentation quotidienne à une alimentation optimisée et saine, conforme aux recommandations nutritionnelles scientifiques, sans surconsommation ni gaspillage alimentaire, contribue à réduire les émissions de gaz à effet de serre de 44 %.
L'indice NGKL [DSCA] a montré qu'une alimentation à base de produits biologiques apporte une contribution très importante aux objectifs écologiques, sanitaires et socio-économiques : il était le plus élevé pour toutes les variantes biologiques.
Discussion
Dans cette étude, les meilleurs résultats ont été obtenus avec une alimentation végétarienne ou végétalienne biologique. Cependant, une consommation réduite de viande a déjà des effets positifs sur la santé et l'environnement. En fin de compte, il s'agit de trouver un équilibre, car l'élevage est dans les fermes biodynamiques essentiel pour la fertilité des sols. Il n'est donc pas recommandé de renoncer complètement aux aliments d'origine animale, mais plutôt d'adopter une alimentation saine et une consommation responsable. En achetant uniquement ce qui sera réellement transformé et consommé, il est possible d'éviter efficacement le gaspillage alimentaire et de réaliser ainsi des économies substantielles. Les habitudes d'achat reflètent également la valeur accordée aux aliments. Quand on prend conscience du long chemin parcouru par une banane, par exemple, entre la plantation et l'assiette, et du nombre de personnes qui ont contribué à sa production, on est moins enclin à la jeter sans y penser. Une consommation responsable des aliments contribue donc efficacement à une plus grande durabilité, et cela commence dès l'achat. Cette approche permet de nourrir entièrement une famille de quatre personnes en Europe centrale avec des produits biologiques.
Diverses études ont déjà montré il y a plusieurs années que l'agriculture biologique pourrait même nourrir le monde [2, 3]. Il est intéressant de noter qu'elles ont également conclu que cela nécessiterait une réduction de la consommation de viande et du gaspillage alimentaire.
Si l'on compare le prix en magasin des aliments conventionnels et des aliments biologiques ou biodynamiques, ces derniers sont dans un premier temps plus chers. Cependant, ce prix ne reflète généralement que les coûts de production directs. Si l'on considère en revanche l'ensemble des coûts, c'est-à-dire également les coûts indirects et externes tels que les impacts environnementaux, les coûts sociaux ou sanitaires, appelés « coûts réels » (« true costs »), le résultat est tout autre. Si, par exemple, les teneurs en nitrates dans les eaux souterraines sont élevées en raison d'une densité trop importante d'animaux dans l'élevage conventionnel , l'eau doit être traitée pour atteindre la qualité requise pour la consommation. Cela engendre des coûts qui sont supportés par la collectivité. Ces coûts supplémentaires ne sont pas pris en compte dans le prix de vente actuel des aliments conventionnels. Le « prix réel » de ces denrées alimentaires serait donc plus élevé que celui des denrées alimentaires biologiques ou biodynamiques, dont la production est moins nocive pour l'environnement et contribue même à améliorer la fertilité des sols et à promouvoir la biodiversité.
De même, la valeur ajoutée et les performances en matière de développement durable des aliments biologiques et biodynamiques ne sont pas prises en compte dans le prix : elles peuvent être quantifiées à l'aide du calculateur de valeur régionale, par exemple. Cette méthode permet de recenser et d'évaluer environ 400 paramètres dans les domaines de l'écologie, du social et de l'économie régionale. Il est ainsi possible de mesurer et de rendre visible le développement durable [4]. Dans ce contexte, la question fondamentale se pose de savoir si une autre méthode de fixation des prix des denrées alimentaires ne serait pas plus appropriée.
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1 Omnivorisme : alimentation mixte comprenant à la fois des aliments d'origine végétale et animale.
Bibliographie
[1] Schlatzer M et Lindenthal T (2025) : « Accessibilité financière de différents régimes alimentaires en Autriche et leurs effets sur le climat, la santé et la durabilité » WWF Autriche [en allemand] https://www.wwf.at/wp-content/uploads/2025/06/WWF-Ernaehrungsstudie-2025.pdf consulté le 07/07/2025
[2] Reganold J, Wachter J (2016) : « Organic agriculture in the twenty-first century » Nature Plants 2, 15221. https://doi.org/10.1038/nplants.2015.221
[3] Muller A, Schader C, El-Hage Scialabba N. et al. (2017) : « Strategies for feeding the world more sustainably with organic agriculture » Nat Commun 8, 1290. https://doi.org/10.1038/s41467-017-01410-w
[4] Regionalwert Leistungen: [Valeurs régionales des prestations] : « L'agriculture a besoin d'estime et l'agriculture a aussi besoin de compréhension » [en allemand] https://www.regionalwert-leistungen.de/ consulté le 25/07/2025
Traduit de l’allemand par Rudolf Tille