Pour la deuxième fois, le Congrès d'agriculture a eu lieu en ligne au Goetheanum. Plus de 650 personnes de tous les continents ont participé à un programme varié comprenant des conférences, des ateliers interactifs, des espaces ouverts et des représentations artistiques.
Si la production agricole du siècle dernier était principalement axée sur la quantité, l'accent est aujourd'hui mis sur la production de qualité. Mais de quelle qualité parlons-nous ? D'une simple qualité extérieure, qui garantit un certain aspect et une certaine teneur en nutriments, ou d'une qualité intégrale, qui inclut la vitalité, l'authenticité et même l'éthique de la production alimentaire ? Car nous ne nous nourrissons pas seulement de nutriments, mais aussi de forces et de sens - et nous recherchons même une qualité de rencontre à travers les aliments.
Dès le début, la production d'une qualité intégrale de nos aliments a été une préoccupation essentielle de l'agriculture biodynamique. Et ce sont les nombreuses facettes de cette qualité vivante que les différents intervenants ont présentées au cours du congrès d'agriculture.
Des paroles fortes de la part de personnes fortes
Arizona Muse, fondatrice de la DIRT Foundation for the Regeneration of Earth et top model américaine, a ouvert le congrès par un plaidoyer sans précédent en faveur de l'agriculture biodynamique et du soin apporté à la terre en tant qu'être vivant. Les conséquences dramatiques de l'industrie textile sur la terre et les hommes l'ont amenée à s'engager pleinement pour l'agriculture biodynamique. Carlo Petrini, le fondateur du mouvement international Slow Food, a montré comment chacun - du paysan au "mangeur" ordinaire - est un co-producteur et contribue ainsi à la qualité. Maike Ehrlichmann, une thérapeute nutritionnelle reconnue, a enthousiasmé le public avec la méthode Ehrlich-Essen [manger honnêtement ndt.] qu'elle a elle-même développée. Celle-ci incite les personnes en quête de conseils à activer leur propre conseiller alimentaire intérieur.
L'atmosphère et l'ambiance pour une bonne qualité
Ueli Hurter a montré comment la qualité ne se développe que sur la base d'une certaine quantité, en prenant l'exemple des céréales et du lait. Jean-Michel Florin a expliqué comment, contrairement à la quantité mesurable, la saisie de la qualité nécessite une approche globale de l'atmosphère. Dans ce contexte, il a expliqué comment chaque personne peut s'en donner les moyens chaque jour grâce à ses sens.
La qualité est comme un fil qui se déroule à travers toutes les étapes et phases, du sol à l'assiette. La grande question, qui va au-delà du respect des normes de qualité par des contrôles externes, est de savoir comment développer une sensibilité et une attitude qui permettent de faire émerger une qualité intégrale et vivante tout au long du processus de production. Un élément de cette démarche consiste à prêter attention à l'ambiance ; que ce soit dans l'étable avec les animaux, dans la laiterie, dans le magasin ou même dans la cuisine. Tout le monde sait à quel point la bonne ambiance dans une cuisine familiale a une influence sur les repas. Bien qu'il s'agisse d'un aspect subtil et difficilement mesurable, c'est précisément celui-là qui fait souvent la différence. Agata Glazar, en tant que cheffe de cuisine, en parlait en connaissance de cause. Elle cuisine avec les aliments disponibles et avec passion, sans aucune recette. Si un client la demande, elle raconte l'histoire de l'aliment. Sa base pour un repas sain et savoureux est l'observation attentive et sensuelle des riches couleurs et arômes des fruits et légumes frais.
Immersion dans le contenu
Les présentations suivantes ont montré comment de fines pratiques agronomiques biodynamiques favorisent l'intégration des processus de croissance et de différenciation (ou de maturation) de la plante cultivée. C'est en dirigeant correctement ces processus par des mesures de culture que l'on peut produire à la fois de la quantité et de la qualité optimales.
Le médecin Thomas Hardtmuth a expliqué que nous devons aller au-delà de l'assiette et voir plus loin, jusqu'à notre intestin, jusqu'au microbiome, dont le rôle essentiel pour notre santé physiologique et psychique est démontré par de nombreuses recherches récentes. Dans le sens inverse, le microbiome est extrêmement sensible à l'humeur et à un environnement beau et attrayant. Cela a également pu être observé chez des animaux comme les vaches. Un stress intensif et prolongé perturbe durablement la composition saine de la microflore intestinale. C'est ainsi que la qualité de l'alimentation s'étend à l'ambiance des repas et même à l'atmosphère de vie en général.
Cas pratiques
Le développement de la qualité s'appuie sur le développement de la diversité du vivant et des communautés humaines, comme le montrent deux exemples très différents : d'une part, l'initiative des jardins urbains biodynamiques de la ville de Rosario en Argentine (premier prix en 2021 décerné par le World Resources Institute), qui a remis en culture près de 1 000 hectares de terres urbaines ; d'autre part, l'Alliance pour la terre (Alianzas por la Tierra) lancée par le domaine viticole espagnol Gramona près de Barcelone - où plus de 450 hectares de monoculture viticole ont été transformés en une agriculture biodynamique diversifiée avec des animaux.
Mechthild Knösel, une agricultrice allemande passionnée, a démontré de manière impressionnante comment l'éthique est directement liée à la qualité. Par responsabilité et respect pour ses animaux, elle a décidé qu'aucun animal ne quitterait sa ferme vivant. Elle a participé à une étude qui a montré que les hormones de stress chez les vaches sont considérablement plus faibles après un abattage à la ferme que lors d'un abattage à l'abattoir. Cela a un impact mesurable réel sur la qualité de la viande.
Transformation
Pour maintenir la qualité tout au long du processus de fabrication, le produit doit être "anobli" lors de la transformation, et ce dans le sens d'"élever", comme le dit le mot français "élevage". C'est ce qu'a illustré le boulanger paysan Olivier Clisson avec de magnifiques images.
Romana Echensperger, Master of Wine et auteur d'un livre, a parlé de la liberté du vigneron, car produire une qualité vivante et authentique nécessite que le producteur soit libre de produire. Lors des interviews pour son livre "De la liberté de faire le bon vin", elle a découvert que la viticulture biodynamique, contrairement à la viticulture industrielle qui fixe et standardise les pratiques, repose sur la liberté et la souveraineté du producteur, de sorte qu'il en résulte à chaque fois un vin tout à fait individuel et authentique.
L'œnologue et chercheur Georg Meissner a plaidé pour une observation subtile de la vigne afin de comprendre son geste. Cela constitue, selon lui, la base de la transformation de celle-ci dans la substance autrefois sacrée du vin et des vins de terroir authentiques.
Développement conscient et qualité
Les introductions matinales de Jasmin Peschke, accompagnées de magnifiques improvisations musicales, ont retracé l'évolution de la conscience humaine parallèlement à celle de la notion de qualité. Après une phase de perception intuitive de la qualité, toutes les qualités perceptibles par les sens se sont peu à peu réduites à la fin du Moyen Âge et à la Renaissance. Le souci d'objectivité a conduit à réduire la qualité à des chiffres, des données et des faits. Le résultat de cette rationalisation a été l'industrialisation de l'agriculture. Elle produit des carottes et des êtres vivants comme des voitures, c'est-à-dire des objets morts, et contrôle leur qualité par des critères et des méthodes appropriés. Le grand défi de notre siècle est de redécouvrir des modes de production agricole plus anciens et des méthodes qualitatives. Elles permettent de produire et d'appréhender une qualité vivante. L'agriculture biodynamique, forte d'une expérience de près d'un siècle, souhaite apporter sa contribution à cette recherche.
Perspectives
Le congrès d'agriculture s'est terminé par un appel du biologiste et philosophe des sciences américain Craig Holdredge, qui a tracé les voies d'une approche qualitative de la nature. Si l'homme reprend contact avec la nature, l'aliénation qui a conduit à la destruction de notre planète peut être surmontée.
Le prochain congrès d'agriculture aura lieu début février 2023 sur ce thème : L'agriculture évolutive - une rétrospective en guise de préambule à 100 ans de biodynamie.
Jasmin Peschke et Jean-Michel Florin
Section d'agriculture