Sous le titre agriculture et alimentation en évolution : ouvrir la recherche biodynamique, la Section d’agriculture du Goetheanum avec ses 3 partenaires, le Fibl (CH), l’Université de Kassel-Witzenhausen et le Forschungsring (D) ont accueilli durant 4 jours environ 180 personnes de plus de 25 pays. Les organisateurs qui ont travaillé plus de 2 ans à élaborer ce congrès ont choisi de l’ouvrir sous plusieurs aspects. D’abord, il s’agissait de l’ouvrir aux paysans-chercheurs pour ne pas se confiner au monde des chercheurs professionnels, ensuite nous souhaitions l’ouvrir à des personnes ne connaissant pas encore la biodynamie et finalement il s’agissait aussi d’accepter des contributions à la marge de la biodynamie provenant de l’agriculture bio, agroécologique, etc. pour éviter de constituer une frontière étanche entre la biodynamie et les autres agriculteurs de la famille bio.
Dès son ouverture, ce congrès a rencontré un grand enthousiasme de la part de tous les participants, qu’ils soient chercheurs ou agriculteurs-chercheurs liés depuis longtemps à la biodynamie ou nouveaux venant pour découvrir de quoi il s’agit. Il semble qu’il remplissait un vide et répondait à une grande attente. Plus de 100 contributions – et dire qu’il y a encore des gens pour prétendre qu’il n’y a pas de recherche sur la biodynamie – soit en sessions parallèles, soit sous forme de posters, ont été présentées aux participants. Les thèmes allaient de travaux indiens montrant l’intérêt des préparations biodynamiques pour fixer le CO2 et ralentir le changement climatique jusqu’à des recherches sur l’effet du lait cru biodynamique pour limiter le pourcentage d’allergies des jeunes enfants, en passant par la recherche de nouvelles méthodes comme par exemple la cristallisation directe de gouttes ou une méta analyse montrant l’intérêt de la biodynamie pour accroître la biodiversité dans le paysage, sans oublier des thèmes comme ce que peuvent apprendre la biodynamie et l’agroécologie l’une de l’autre pour pratiquer une agriculture intuitive. Tous des sujets d’une brûlante actualité !
L’enthousiasme et la soif d’échanges de certains chercheurs isolés dans leurs institutions et dans leurs pays faisaient plaisir à voir. Ainsi un chercheur chinois qui a mis au point un système pour produire la préparation de compost de bouse en très grande quantité expliqua qu’il ne pouvait parler que d’agroécologie. Des chercheuses lituaniennes ont aussi fait part de la relative incompréhension des collègues. Cependant, le simple fait que des chercheurs travaillant dans un cadre institutionnel (institut de recherche ou université) fassent de tels voyages (Inde, Nigeria, Brésil, Chine, etc.), témoigne d’un grand besoin d’ouverture !
Une originalité était la possibilité pour les contributions ne rentrant pas dans le cadre scientifique habituel de présenter un document d’observation. Ceci a permis à nombre d’agriculteurs de faire part de certaines de leurs observations et thématiques de recherche. Un world-café collectif, des ateliers et des séances d’exercices permettant de faire l’expérience du vivant sous diverses formes (observation de plantes, eurythmie, brassage de préparation biodynamique, etc.) ainsi qu’un spectacle du soir ont agrémenté le programme, créant une atmosphère propice à de multiples rencontres.
Dans son ouverture, Jürgen Hess, un des principaux acteurs de la bio en Allemagne, directeur du département d’agriculture biologique à l’Université de Kassel-Witzenhausen qui forme environ 1 200 étudiants, a évoqué avec une grande reconnaissance 12 trésors, c’est-à-dire 12 thèmes spécifiques que la recherche pratique biodynamique a explorés depuis longtemps. Parmi ceux-ci notons la sélection de nouvelles variétés de légumes et céréales adaptées à la bio, la recherche de nouvelles formes de propriété de la terre…
Le lendemain, Véronique Chable chercheuse à l’INRA, présenta sa recherche participative sur la diversité des semences avec un grand réseau d’organismes paysans (dont le RSP, Réseau Semences Paysannes) et d’instituts de recherche européens. Elle fut suivie par Geraldo Deffune, enseignant chercheur au Brésil, qui a évoqué les débuts de la recherche en bio et en biodynamie ainsi que ses recherches au Brésil…
Le clou du congrès fut l’exposé des projets d’élevage par l’éleveuse de la ferme biodynamique allemande de Rengoldshausen, Mechthild Knösel et par deux chercheuses Anet Spengler du FiBL et Sylvia Ivemeyer de l’Université de Kassel-Witzenhausen. La présentation collective a pu faire vivre à tous les participants « live » la collaboration étroite, la complicité pourrait-on même dire qui est la base d’une recherche pratique répondant directement à des questions issues de la réalité agricole. Un des exemples présentés est la manière d’élever les veaux de vaches laitières sous leur mère à la naissance pour les séparer progressivement, améliorant ainsi leur santé et le bien-être animal.
Lors de la conclusion, quelques pistes de travail pour la suite ont été présentées, telles qu’approfondir le travail sur les thèmes de la qualité alimentaire, de la fertilité du sol et des préparations. Une idée est de réaliser des synthèses des recherches sur ces différents thèmes. Deux autres pistes pour le futur sont le renforcement de la collaboration entre les chercheurs et les paysans-chercheurs pour s’entraider à trouver les méthodes adéquates aux thèmes étudiés et l’approfondissement de la théorie de la connaissance à la base de la biodynamie.
Rendez-vous a déjà été donné dans 2 ans pour une préconférence biodynamique les 21 et 22 septembre 2020 juste avant le grand congrès scientifique mondial de la Fédération mondiale d’agriculture bio (IFOAM) qui aura lieu à Rennes du 23 au 25 septembre.